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Poésie, nouvelles et contes

Poésie, nouvelles et contes
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Le couloir

14 février 2010
par Lémuel

Koruut s’avança prudemment dans ce petit couloir au fond du château. Que n’avait-il fait d’efforts pour l’atteindre ! Cela faisait maintenant six mois que sa quête avait commencé et son arrivée en ces lieux après si peu de temps était fort admirable. Il avait fait mieux que le chevalier au bouclier d’opale, que les légendes de son pays révéraient pour le score qui semblait maintenant désuet de sept mois. Un mois de mieux. Ce dernier n’avait en plus pas réussi à franchir la Porte Suprême, mais avait tout de même été acclamé comme un héros à son retour au pays. Mais c’était il y a plusieurs siècles et tout ce qui restait de son passage était une vague légende.

Ce n’est pas par la force que Koruut était parvenu jusqu’ici bien qu’il n’en manquât pas, mais plus par sa sagesse et son courage. Quand il était arrivé, il y a six mois de cela, au pied des Palais Chthoniens, vaste labyrinthe montagnard bourré de pièges et de trésors, lieu de sépulture accidentelle de nombreux chevaliers, héros ou simples brigands attirés par la convoitise de l’or, et, peut-être pour certains, soyons optimistes par la Porte Suprême ; quand il fut arrivé au pied de ces montagnes donc, il choisit, grâce à un vieux parchemin, un chemin qu’il savait être plus spirituel que physique.
Car les Palais Chthoniens recelaient autant d’épreuves de force ou de courage que de sagesse, et le plus grand souci des fous qui osaient s’y aventurer était de tomber sur des épreuves qui faisaient appel à leur ressource principale. Or, aidé par son plan que lui avait laissé un sage ancêtre de sa famille, il put choisir à son gré son chemin et choisit donc le plus court, celui-ci étant plus spirituel que physique, ce qui finalement l’arrangeait bien, puisqu’il était adapté à l’importance de ses capacités.
Ce ne sont ni l’or, ni les bijoux qui attiraient un homme de cette vertu dans un lieu pareillement dangereux, bien qu’il ne se privât pas de ramasser quelques pierres rouges, vertes ou bleues sur son passage pour sa collection de pierres – une vielle passion – il était attiré par le désir d’Absolu, et non par celui de perfection, chose qu’il pensait posséder et qui lui était nécessaire pour atteindre son but dissimulé derrière la Porte Suprême. Comment cette porte jugerait-elle de sa perfection, c’était une question qui l’obsédait à mesure de sa glorieuse avancée vers son destin d’Absolu.
Qu’était-ce donc exactement que l’Absolu ? Dans le parchemin laissé par son ancêtre, qui lui avait fait prendre conscience que les légendes étaient peut-être vraies, il n’avait trouvé que peu d’éléments qui définissaient l’Absolu. Lui-même ne l’avait d’ailleurs jamais vu, comme personne d’autre d’ailleurs avant lui. Du moins personne n’en était revenu. On raconte pourtant dans les légendes que ce sont les Anciens Dieux qui, avant de s’en retourner dans leur monde céleste, épuisés par la guerre qu’ils se livraient pour obtenir la Terre, décidèrent de l’abandonner à son propre sort et créèrent cet endroit mystérieux. Celui qui franchirait la Porte, dirent-ils, armé de sa seule perfection, pourrait alors conquérir l’Absolu, et devenir souverain et dieu de cette planète. C’est ainsi que naquirent les Jeunes Dieux.

Poursuivant son but, Koruut avait mis quatre mois pour traverser les montagnes, ses maigres provisions n’auraient pas du suffire, mais les Palais Chthoniens recelaient une multitude de nourriture, de fruits étranges et variés, de fioles de toutes formes et de toutes tailles. Certains de ces trésors alimentaires nourrissaient très bien, certains même pouvaient accroître les capacités physiques et mentales, mais d’autres étaient des poisons ignobles et pervers qui ne laissaient aucune chance d’échapper à la mort et à une lente agonie. C’était un des autres pièges, peut-être le plus dangereux car le moins visible, de ce labyrinthe tortueux. Il fallait beaucoup de discernement et de sagesse pour l’éviter.
Mais Koruut s’en était bien sorti et avait réussi à trouver des potions qui augmentèrent sa force et son endurance. Il avait aussi déniché d’autres petits trésors tel que des potions qui permettaient de récupérer comme si l’on eut dormi profondément toute la nuit, ce qui lui évita d’entreprendre loisir si dangereux, surtout dans la Grotte aux Mille Sabres, où il passa trois jours entiers à combattre.
Ses assaillants étaient d’horribles créatures tenant à la fois du crapaud (pour la peau, la langue et les yeux), du buffle (pour les cornes et les pattes) et de la chouette (pour cet énorme bec qui ajoutait la touche d’horreur finale à ce tableau insane). Les bêtes empestaient aussi l’odeur de la mort et Koruut y aurait sûrement laissé sa peau, fort heureusement ces immondes créatures craignaient le feu comme la peste et il venait de trouver deux jours auparavant un bouclier et une épée d’une matière étrange réagissant aux émotions de son porteur.
Lorsque Koruut s’engagea dans le combat avec une frénésie développée à l’extrême par l’odeur régnante de la mort, sa frénésie se transmit à son équipement magique qui devint incandescent et lui permit une victoire relativement rapide sur le millier de créature en trois jours – ce qui nous fait une moyenne de 333 bêtes par jour, et d’environs treize victimes par heure – une véritable boucherie.
Cela avait été, somme toute, l’épreuve la plus physique, mais pas la plus dure.
Les épreuves les plus complexes étaient d’ordre purement spirituel. C’était un mélange d’énigmes, de maîtrise de soi, de recherche philosophique, de résistance à diverses agressions mentales et surtout une recherche de la perfection.
Bref, en même temps qu’il avait choisi le chemin le plus court et le plus difficile, Koruut avait aussi choisi le meilleur entraînement possible vers la perfection. Il était maintenant presque sûr qu’il allait y arriver.

Or, après cinq mois, il était ressorti de l’autre côté des montagnes pour découvrir le merveilleux spectacle du Pays Paradisiaque.
Ce pays n’existait en fait que dans l’esprit de ceux qui parvenaient à franchir les Palais Chthoniens. C’était la dernière grande épreuve avant celle de la Porte Suprême.
Un mois, il lui fallut un mois pour parcourir cette contrée qui n’avait pourtant aucune dimension réelle. Ce pays était si enchanteur, il offrait tout ce dont on pouvait rêver, on pouvait y accomplir tous ses désirs. C’était à la fois une récompense et un piège, récompense pour ceux qui voulaient y rester après avoir subi les tourments des palais Chthoniens ; mais piège pour ceux qui voulaient progresser plus loin. Koruut hésita longtemps, c’était tellement bon de se laisser aller au plaisir, mais il compris peu à peu qu’il devenait l’esclave frénétique de ses désirs. C’était le dernier pas nécessaire pour atteindre la perfection : se libérer du désir, ne plus rien vouloir, ne plus rien souhaiter, mais simplement accepter et jouir de ce qui advient.
Au moment où il intégra pleinement cette philosophie, le monde onirique disparu, et il se retrouva enfin dans un monde réel : une grande prairie baignée de soleil et au fond se dressait, imperturbable, le château qui renfermait la Porte Suprême.

Il se trouvait donc maintenant à l’entrée de ce petit couloir au fond du château, et tout au fond de ce couloir, il aperçut une porte à deux battants, toutes d’or, avec des motifs finement ciselés. Cette porte n’éveillait aucune avidité mais forçait son respect, jamais il n’avait vu ouvrage plus beau. C’était, il en était maintenant sûr, la Porte Suprême.
Il s’avança prudemment, car il redoutait quelque ultime piège ou épreuve. La porte était à une vingtaine de mètres, il en fit dix mais ne semblait s’en être rapproché que de cinq. Il recommença l’opération et, au lieu d’arriver logiquement à la porte, en était toujours éloigné de cinq mètres. Il commença à avoir peur et au pas suivant, la porte s’éloigna de vingt mètres.
Il se ressaisit et commençait à comprendre, seule la perfection pouvait permettre de s’approcher réellement. Il se concentra et se rappela tout son entraînement spirituel et physique, toutes les épreuves qu’il avait dues traverser, il se remémora chaque leçon, chaque enseignement qu’il en avait tiré. Il chassa toute imperfection, toute pensée et tout désir de son esprit par une longue et assidue méditation. Après quelques heures de cette concentration spirituelle, il avança lentement. En cinq pas il arriva devant la porte.
Il prit doucement les deux poignées de la lourde porte. Alors qu’il allait ouvrir, alors qu’il allait découvrir l’Absolu, un sentiment qu’il n’avait pas travaillé, car aucune épreuve ne le mettait en œuvre, et à cause de ce sentiment lui-même, s’immisça en lui. Un sentiment perfide et fatal, commun à l’espèce humaine tout entière, peut-être son pire défaut car justifiant tous les autres : l’orgueil.
Tout se passa en quelques fractions de seconde. Koruut avait les mains fermement accrochées aux poignées de la Porte Suprême et les pieds bien ancrés sur le sol car il s’apprêtait à devoir fournir un effort physique important pour l’ouverture. Or la Porte suprême sentant l’imperfection se glisser près d’elle recula avec une vitesse inouïe et le couloir tout entier s’étendit de vingt mètres, en même temps que le corps de ce pauvre Koruut qui ne supporta pas les nouvelles dimensions que son orgueil venait de lui conférer.
Son corps se déchira à la manière d’une corde sur laquelle on a fixé un trop grand poids.


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