C’est le jour où la vie déverse sa lumière,
Réduisant au néant neuf mois de longue nuit,
Et propulse au dehors, séparant chair et chair,
Un enfant innocent poussant son premier cri.
Mais la mère en son cœur ne connait que la nuit,
Et l’aurore espérée ne reste que chimère.
Une épreuve, à jamais, a scellé dans l’oubli
La chaleur et la vie qui autrefois régnèrent.
L’enfant n’a pas grandi dans un terreau d’amour,
Même s’il put le croire, aveuglé par l’envie
Qu’elle l’eut désiré, et ne perçant au jour
La façade bâtie pour les regards d’autrui.
Mais comment donc au sein d’une bonne famille
Pourrait-il exister un secret dur et lourd ?
Le bourreau maternel est pure fantaisie,
L’enfant ment, il convient à ses cris d’être sourd.
Et pourtant cet enfant ressent bien la souffrance,
Et la peur redoublée par ce qui est renié.
Comment se prémunir devant l’inexistence
Devant une chimère : une mère endiablée.
Le monstre du placard n’a jamais existé,
Non, c’est dans le couloir que rampait la démence
Et c’est barricadé que l’enfant apeuré
Succombait au sommeil et à sa délivrance.
L’enfant tant bien que mal grandit en fleur sauvage,
Chahuté par le vent de ce destin amer.
Mais une nuit de joie où l’on fêtait son âge,
Cet enfant, étourdi, sous-estima sa mère.
Barricade oubliée, il dormait découvert.
Et la porte s’ouvrit, laissant entrer la rage
Reflétée sur la lame aiguisée de colère,
Prête à rendre au néant cet innocent visage.
Le hasard, le destin, une lueur d’espoir…
Un doute ou un regret, un instant hésité…
Qu’est-ce qui l’a sauvé, lui a permis de voir
Le coup qui arrivait et de s’en protéger ?
Il ne l’a jamais su, mais a pu s’échapper,
Se soustraire au danger, se fondre dans le noir.
Mais dans son cœur d’enfant, tout fut annihilé.
Pour sa mère à jamais, l’amour est mort ce soir.