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Poésie, nouvelles et contes

Poésie, nouvelles et contes
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Maman se repose

12 avril 2010
par Lémuel

– « Maman se repose. »
C’est toujours ce que son père répondait à Gabriel lorsqu’il lui demandait quand sa maman allait enfin revenir.
– « Maman dort, elle est très fatiguée, mais elle se réveillera bientôt. » _ Tous les jours, papa lui disait cela. Mais Gabriel voyait bien dans ses yeux qu’il n’en savait rien, il disait cela juste comme ça, parce qu’il ne savait pas quoi dire d’autre.
Cela faisait maintenant un mois que maman dormait. Un jour, elle avait pris la voiture pour aller chercher Gabriel à la sortie de l’école et en chemin elle avait eu un accident. Une ambulance l’avait emmenée à l’hôpital pour que les docteurs s’occupent d’elle. Ils l’avaient mise dans un lit et depuis elle dormait. Elle dormait tout le temps. Les docteurs avaient dit à Gabriel et son papa que c’était un « coma. »

Gabriel avait beaucoup crié dans l’espoir que sa mère l’entende, pour qu’elle se réveille. Mais il avait beau crié, elle ne bougeait pas, même pas un cil. Alors les cris avaient laissé la place aux larmes, puis au silence. Le seul bruit dans la chambre d’hôpital venait d’un petit écran vert où une ligne montait en faisant un petit bip, puis descendait, puis remontait avec un nouveau bip et continuait ainsi son va-et-vient permanent. C’était le dessin et le bruit de son cœur.
Gabriel se sentait triste et il pensait que tout était de sa faute. Si maman n’était pas allée le chercher ce jour-là, cela ne serait jamais arrivé. Il ne savait pas comment réveiller sa maman, papa non plus et même les docteurs n’en savaient rien. Ils disaient toujours d’attendre.
Alors Gabriel attendait, il attendait tous les jours près du lit. Il regardait sa maman, il lui tenait la main, il lui disait mille choses dans l’espoir de voir au moins un geste de ses yeux ou un sourire sur ses lèvres. Mais rien ne se passait. Puis son père finissait toujours par lui poser la main sur l’épaule. C’était le signe qu’il fallait rentrer. Papa ne parlait plus beaucoup, lui aussi il avait l’air fatigué.
Gabriel se sentait encore plus seul le soir quand il se couchait. D’habitude maman venait le border et lui raconter une histoire avant qu’il ne s’endorme. Mais à présent, Gabriel était seul à attendre le sommeil, et il en avait un peu peur. Il avait peur lui aussi de ne plus se réveiller. Gabriel se posait de plus en plus de questions sur le sommeil. Que se passe-t-il quand on dort ? Où est-ce qu’on part quand on rêve ? Pourquoi maman ne revenait pas ? Est-ce qu’elle s’était perdue dans un rêve et qu’elle ne trouvait plus la sortie ? Tant de grandes questions pour un si petit garçon. Il finissait par s’endormir, épuisé. Le matin, il ne se souvenait plus d’avoir rêvé. Pourtant, il faisait de très beaux rêves avant l’accident. Des rêves… Une idée commençait à germer dans son esprit. Peut-être qu’il y avait un moyen d’aider sa mère, peut-être…

Ce jour-là, Gabriel alla voir sa maman comme d’habitude. Il demanda à son papa de le laisser seul dans la chambre avec maman. Et quand ils furent juste tous les deux, il approcha sa chaise le plus possible du lit, prit la main de sa mère dans la sienne et posa sa tête tout contre elle. Il pensa très fort à elle, ferma les yeux et au bout d’un moment, il s’endormit.
Il ouvrit les yeux, et tout, autour de lui, avait changé. Il savait qu’il était dans un rêve. Mais, était-il dans le rêve de sa mère ?
Il se trouvait dans une grande pièce dont les murs émettaient une étrange lueur. Il n’y avait personne à part lui. Il cria pour savoir s’il y avait quelqu’un, mais il n’entendit que l’écho de sa propre voix. Il s’approcha d’un mur. C’était un peu comme un miroir, mais il n’y voyait qu’un pâle reflet comme s’il y avait du brouillard dans le miroir. Il fit le tour de la pièce. Tous les murs étaient pareils, et il n’y avait pas de porte, donc pas d’entrée ni de sortie. Il commençait à avoir peur. Mais il ne fallait pas, si son plan avait bien fonctionné, il était dans le rêve de sa mère et elle devait bien être quelque part.
Il s’assit en face d’un des miroirs et se regarda dedans. En se concentrant, il commença à voir une image, floue d’abord, puis de plus en plus précise. Il voyait quelqu’un s’approcher… Oui, c’était sa mère ! Il voulut l’appeler mais elle ne semblait pas l’entendre, alors il tapa du poing dans le miroir, mais son poing se heurtait contre une surface dure. Il s’énerva, tapa plus fort, hurla. Mais rien ne se passait. Alors il essaya de se calmer à nouveau.
Il regarda avec attention. C’était comme un film. Sa mère se promenait dans un jardin qu’il ne reconnaissait pas et pendant qu’elle marchait le décor changeait. Oui c’était comme un film, ou comme un souvenir…
Gabriel se rendit devant un autre miroir et en se concentrant, il vit à nouveau son propre reflet disparaître et de nouvelles images apparaître. Sa mère était là à nouveau et cette fois-ci il y avait aussi son père. Ils parlaient tous les deux. Et à nouveau, il ne pouvait rien faire face à ce souvenir, sa main se heurtait encore à une surface dure.
Il essaya encore un autre miroir et cette fois-ci la scène montrait sa mère et lui quand il était plus jeune. Dans cette image, Gabriel était assis sur les genoux de sa mère qui lui lisait une histoire. C’était étrange de se voir comme cela. Il passa sa main sur la surface et sa main passa à travers. Gabriel eut un geste de recul. Ce souvenir était différent, peut-être parce qu’il était lui aussi dedans. Il prit son courage à deux mains et marcha tout droit à travers la surface du miroir dans le souvenir. Gabriel ressentit quelque chose de très étrange, toutes les sensa-tions de ce souvenir passèrent en lui en un instant : les images du livre, la douce voix de maman, la sensation de sa main qui caressait son front, et l’amour merveilleux de sa mère… C’était incroyable. Il sentait tout ce que sa mère avait ressenti à ce moment et maintenant il se souvenait lui aussi de cet instant-là. Ce n’était pas son imagination, c’était vrai !
Il rouvrit les yeux. Il se trouvait à nouveau dans une pièce aux murs étranges, comme celle qu’il venait de quitter, mais ce n’était pas la même. Il regarda le mur derrière lui. Il voyait encore les images qu’il venait de revivre. Il avait traversé ce mur.
Gabriel comprit en regardant les autres murs de la pièce où s’affichaient de nouveaux souvenirs qu’il se trouvait dans une sorte de labyrinthe de la mémoire. Maintenant qu’il savait comment s’y déplacer – en choisissant les scènes où il se trouvait aussi – il ne lui restait plus qu’à avancer jusqu’à ce qu’il retrouve sa mère.
Ainsi, de souvenirs en souvenirs, Gabriel commença un long chemin. Et à chaque fois qu’il passait à travers un souvenir, il ressentait des choses merveilleuses, et toujours l’amour que sa mère avait pour lui. Cela lui donnait une force insoupçonnée. Il revécut ainsi mille évènements de sa vie et mille moments qu’il avait oubliés : maman qui était là pour ses premiers pas, maman qui l’avait applaudi au spectacle de fin d’année, maman qui lui avait fait la surprise de son premier vélo, la fois où maman avait veillé toute une nuit quand il était malade, maman, papa et lui autour d’un gros gâteau d’anniversaire, maman qui souriait, maman qui le prenait dans ses bras…
Il se sentait guidé par l’amour de sa mère. Quand il entrait dans une nouvelle pièce, il savait tout de suite, vers quel souvenir se diriger. Par son amour, maman l’appelait, il en était sûr.
Il entra enfin dans une salle différente. Au milieu de la pièce, se trouvait sa mère, allongée, les yeux clos. Elle dormait dans son propre rêve. Gabriel s’approcha doucement, son cœur battait dans sa poitrine, il en entendait l’écho, ou alors… Non, c’était le cœur de sa mère qu’il entendait, mais il battait exactement comme le sien. Leurs deux cœurs ne faisaient plus qu’un. Il se pencha vers elle, plein d’amour dans les yeux. Il déposa un baiser tendre sur son front et lui murmura :
– « Réveille-toi, ma petite maman chérie. Je suis là, je suis venu te chercher. »
Il posa la main sur son cœur et il sentit tous ces souvenirs revisités qui passaient de sa main au cœur de sa mère.
– « Je les ai ramassés pour toi. Partageons-les encore et reviens avec moi, nous en créerons plein de nouveaux. »
Il sentit le cœur de sa mère s’accélérer, il regarda son visage, un sourire fleurissait sur ses lèvres, ses paupières s’agitaient doucement, puis il rouvrit les yeux. Il était à nouveau dans la chambre d’hôpital, il venait de se réveiller. Il regarda le visage de sa mère en se demandant si ce qu’il venait de vivre avait vraiment eu lieu. Elle dormait toujours.

Gabriel se mit à pleurer doucement. Mais après quelques instants, il sentit la chaleur d’une douce main sur sa joue.


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